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Décès de Richard ROGERS

Co-concepteur du Centre Georges-Pompidou (Paris IVe) avec son confrère et comparse Renzo Piano, l’architecte britannique, pritzkerisé en 2007, est décédé le 18 décembre à Londres…

Dans la France des lointaines décennies 1970 et 1980, le postmodernisme architectural se plaisait à dézinguer les gloires du Mouvement moderne, les fonctionnalistes et leurs zélateurs. Dans le même temps, outre-Manche, un aréopage de jeunes frondeurs rapidement étiqueté high-tech faisait de la résistance, avec leurs constructions aux structures apparentes et légères, hérissées de câbles, à la précision horlogère inspirée de l’aéronautique. Tous étaient friands de la conception assistée par ordinateur (CAO) alors naissante, de préfabrication, de modularité et de matériaux de pointe. Richard Rogers, qui vient de décéder à l’âge de 88 ans, était de ceux-là.

Grand œuvre

Né en 1933 à Florence, Richard Rogers suit sa famille à Londres en 1938, fuyant l’Italie fasciste de Mussolini. Il y intègrera l’A.A. School of Architecture en 1954 et sera diplômé en 1962 à Yale (Connecticut), aux États-Unis, où il rencontre Norman Foster. De retour en Angleterre en 1964, tous deux fondent avec leurs épouses respectives –  Susan Brumwell et Wendy Cheesman – l’agence Team 4 qui fermera ses portes en 1967, faute de contrats… Il croise la route du Génois Renzo Piano en 1968 et les deux trentenaires remuants remportent en 1971 le concours (présidé par Jean Prouvé) de ce qui deviendra le Centre Georges-Pompidou. Avec sa piazza italianisante et sa façade au savant enchevêtrement de tuyaux multicolores, leur Grand œuvre, inaugurée le 30 janvier 1977 sous un déluge de critiques qui lui reprochent son esthétique de raffinerie, vaut aux deux compères, associés à l’ingénieur irlandais Peter Rice (1935-1992) une renommée qui ne se démentira pas.

Starchitecte

Rogers s’éloigne pourtant de Renzo Piano en cette même année 1977 où il crée sa propre agence (Richard Rogers Partnership), qui deviendra, 30 ans plus tard, Rogers Stirk Harbour+Partners LLP (RSHP). La désormais starchitecte sèmera dans le monde entier plus de 400 réalisations… Siège des Lloyd’s à Londres (1986), aéroport de Marseille-Marignane (1992), cour européenne des droits de l’Homme à Strasbourg (1995), palais de justice de Bordeaux (1998), Dôme du millénaire à Londres (2000), terminal 4 de l’aéroport de Madrid-Barajas (2005), Assemblée nationale du Pays de Galles, à Cardiff (2005), etc.

Lord Rogers of Riverside

Les années 1980 et 1990 verront Richard Rogers conseiller François Mitterrand dans le cadre de son programme de Grands Projets à Paris et son agence développera la réflexion sur les schémas directeurs urbains de Londres, Lisbonne, Berlin, New York et Shanghai. Anobli par la Reine Elizabeth II d’Angleterre en 1991, le nouveau Lord Rogers of Riverside sera pritzkerisé par la Fondation Hyatt en 2007, le jury saluant à cette occasion «un humaniste qui nous rappelle que l’architecture est l’art le plus social». En juin 2008, l’agence figurera parmi celles retenues pour penser le développement futur du Grand Paris.

Quarante ans après

Couvert d’honneur – médaille d’or du RIBA (1985), médaille de la Fondation Memorial Thomas Jefferson (1999), Praemium imperiale (2000), Lion d’or de Venise pour l’ensemble de son œuvre, à l’occasion de la Biennale d’architecture (2006), Stirling Prize pour l’aéroport de Madrid-Barajas (2006), etc. – Rogers retrouvera son comparse Renzo Piano en 2017 dans le cadre de l’exposition qui a célébré les 40 ans du Centre Georges-Pompidou.

Dynamique

La collaboration est au cœur du travail de Rogers : «L’architecture est trop complexe pour être résolue par une seule personne… J’aime la dynamique qui circule lorsque les différentes disciplines, de la sociologie aux mathématiques, de l’ingénierie à la philosophie, convergent pour créer des solutions. Cette intégration crée un ethos et une esthétique qui servent et symbolisent au mieux le monde moderne. Personne n’est plus essentiel à la clarté d’un projet qu’un client éclairé» est-il écrit dans sa biographie.

Hommages

«Richard était grégaire, extraverti, généreux et possédait une joie de vivre contagieuse, écrit Norman Foster sur le site web de son agence. Ses bâtiments sont le miroir de sa personnalité, ouverts, accueillants et, comme sa garde-robe, élégamment colorés. […] Que ce soit en tant que conseiller des maires et du gouvernement, ou en tant qu’auteur sur le sujet, il était un partisan infatigable de la ville compacte, durable et conviviale pour les piétons, et un adversaire passionné de l’étalement inconsidéré des banlieues. Ces convictions étaient ancrées en lui lorsque nous nous sommes rencontrés dans la vingtaine et il les a conservées jusqu’à la fin. […] Richard Rogers était un grand architecte pionnier de l’ère moderne, engagé socialement et un protagoniste influent pour une meilleure vie urbaine. Quel héritage… Tu me manqueras beaucoup.»

De leur côté, les associés et le personnel de RSHP ont publié sur le site de l’agence un émouvant hommage à leur «collègue, ami et associé fondateur» saluant «un homme charismatique, d’un immense dynamisme, empreint de civilité et d’intégrité, dévoué à l’art et à l’architecture, à l’urbanisme, à la vie de la cité, politiquement engagé en faveur du changement social, explorateur inlassable de l’avenir. Son amour des gens, de la discussion, du partage des points de vue et du travail coopératif se reflète dans l’agence qu’il a fondée et qui continue aujourd’hui à développer ces idéaux» précise encore l’hommage de RSHP.

(article du 20/ 12 /2021 par Jacques-Franck Degioanni, Le Moniteur)

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